La Panhard Junior, un coup de génie oublié !
Ludique, léger et peu cher, ce mini-roadster qu’est la Panhard Junior arbore une ligne craquante, qui surprend dans la France austère du début des années cinquante. Hélas, il est arrivé un peu trop tôt sans être vraiment désiré…
Connu avant-guerre pour ses opulentes autos avant-guerre, Panhard a dû se réinventer une fois les hostilités terminées. En effet, le Plan Pons, destiné à réorganiser la production automobile française assigne à Panhard les modèles bon marché. Cela tombe plutôt bien car la vénérable marque, mourante en 1939, a accepté en 1943 de reprendre à son compte la proposition de l’ingénieur Grégoire qui, allié à l’Aluminium Français, a conçu une petite voiture ultramoderne.
Celle-ci, dénommée Panhard Dyna une fois retravaillée par Panhard, est lancée dès 1946, et elle surprend. Déjà par sa ligne étrange, vite surnommée « Louis XV ». Ensuite par sa haute technologie : fabrication en aluminium, roues avant motrices et poids-plume : 530 kg.
Un peu chère vu sa faible puissante (22 ch pour 610 cm3), la Dyna se vend pourtant très correctement dans un marché sinistré. Si la France tire encore la langue, les Etats-Unis vont très bien, merci, et raffolent des petites sportives européennes, découvertes par les GI. D’ailleurs, l’importateur américain de Panhard, J.B. Ferguson, se dit que la marque pourrait largement répliquer aux petites MG Midget qui font un malheur outre-Atlantique, avec une dérivée de la Dyna. Panhard voit ça d’un bon œil, mais toujours sans argent, laisse le soin à Ferguson de financer le développement de la voiture, tout en l'effectuant en interne.
Si la carrosserie est dessinée par Albert Lemaître, un designer maison, sa réalisation est confiée à la SIAA (Société Industrielle Aéronautique et Automobile) appartenant à la famille Di Rosa. Celle-ci est partenaire de Panhard, dont elle carrosse les véhicules lourds. Lemaître signe un petit roadster à la ligne ponton épurée et très moderne, mais excessivement simpliste : il n’y a qu’une seule portière pour s’installer à bord et on accède au coffre, sans couvercle, en basculant les sièges. Le but est de faire le moins cher possible, ce qu’imitera Renault plus de 50 ans plus tard avec la Wind.
Panhard revoit la copie puis la voiture est présentée au salon de Paris 1951. Dotée d’un bicylindre 745 cm3 de 38 ch, celle qui se nomme Junior pointe à 130 km/h, soit autant que la très réputée Citroën 15/6 ! Seulement, comme elle s’habille d’acier et non d’alu pour réduire le prix de revient, elle pèse 55 kg de plus que la berline Dyna, à 635 kg. Facturée 549 000 F, (environ 15 000 € actuels selon l’Insee, même si ça ne signifie pas grand-chose) la Junior est aussi moins chère. A ce prix, tout est en option, chauffage, capote…
500 unités sont initialement prévues. Seulement, un coup de Trafalgar se joue chez le perfide Oncle Sam. Fergusson, n’est pas emballé, loin de là, peut-être à cause de l’extrême dépouillement de la voiture ? Il prétexte la guerre en Corée, où meurent de jeunes Américains, pour se retirer de l’aventure. Max Hoffman, importateur (et parfois initiateur) de sportives européennes n’a pas ces pudeurs de gazelle, lui ! Qu’à cela ne tienne, Panhard récupère le bébé, d’autant qu’il est très bien accueilli en France. A tel point que les quantités initialement prévues ne suffiront pas.
Problème, la SIAA ne peut pas suivre la hausse des cadences sans gros investissements, que Panhard refuse de financer. Au contraire, la firme du quai d’Ivry récupère la fabrication de la Junior, ce qui entraine la faillite de la SIAA. La famille di Rosa poursuivra Panhard en justice et…
gagnera ! Entre-temps, la Junior évolue en 1953. Nouvelle calandre, moteur porté à 851 cm3 et 42 ch, version cabriolet plus étoffée (pare-brise fixe en trois parties, banquette trois places, poignées de portes)… Cette dernière prend le dessus commercialement parlant, permettant au modèle de friser les 3 000 ventes annuelles !
Joli score dans petit marché qu’est alors la France, qui ne laisse qu’une place ridicule aux autos ludiques. Mais la Junior est unique en son genre : contrairement à des microcars allemands, comme la Gutbrod Superior, elle est rapide, contrairement aux petites anglaises, voire à une Porsche 356, elle est terriblement efficace dynamiquement, et pour couronner le tout, elle n’est pas très chère ! Elle connaîtra d'ailleurs de jolis succès en course.
Seulement, si la Junior reçoit en option, un compresseur en 1954, ses jours sont comptés. En effet, Panhard vient de lancer la berline Dyna Z (Cx de 0.26 !), puis, racheté par Citroën en 1955, se met à produire la 2CV fourgonnette, donc a besoin de place. La part laissée sur les chaînes à la peu rentable Dyna devient symbolique, et la production s’arrête en 1956. Citroën n’en veut pas ! 4 708 autos ont été écoulées, soit presque dix fois plus que ce qui était prévu. Et sans pratiquement bénéficier du débouché américain. Qu'en aurait-il de cette charmante petite sportive avec un vrai plan-produit, une usine bien dimensionné et un réseau de distribution digne de ce nom aux USA, où elle a tout de même débarqué...
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