Quand l’Europe se protégeait des voitures… japonaises
Jusqu’en 2000, les voitures japonaises ont vu leurs importations limitées dans plusieurs pays d’Europe, dont la France qui leur a longtemps accordé… 3 % du marché, pas plus.
C’est bien connu, on n’apprend pas de l’histoire. Ou peu. Dans les années 50 et 60, l’industrie automobile japonaise a connu une expansion formidable, partant de presque rien pour arriver plusieurs millions d’exemplaires produits annuellement. Aujourd'hui, Toyota est, de loin, le premier constructeur mondial.
Les Nippons se sont largement inspirés des autos occidentales pour développer les leurs, mais ont ajouté une certaine tradition de perfectionnisme dans la fabrication, une organisation innovante (on pense au « just in time » de Toyota), des salaires bas et... une responsabilisation de chaque employé.
Résultat, une productivité exceptionnelle, synonyme de prix agressifs, et des voitures extrêmement fiables. Bien des spécialistes se gaussaient de leur technologie simple, voire simpliste, mais d’autres, au regard plus aiguisé, notaient les rendements hors norme de certains moteurs dès les années 60. On pense aux blocs Honda, notamment dans la S800, mais aussi au fantastique 6-en-ligne de la Nissan Skyline GT-R, le premier moteur de série doté de culasses à quatre soupapes par cylindre. De son côté, Mazda devenait pionnier du moteur Wankel, même si c’était une impasse, avec ses modèles badgés RX.
Conséquence de tout ceci, les ventes de voitures japonaises ont crû de façon constante en occident. D’abord aux USA, où elles ont fait des ravages, auxquels les constructeurs locaux n’ont pas su réagir, pas plus d’ailleurs que Volkswagen dont la Coccinelle y rencontrait un immense succès.
En Europe, on a regardé cette expansion avec un certain réalisme, en constatant que les Nippons commençaient à obtenir chez nous des parts de marché non négligeables. Ils ont eu plus de mal à s’installer car le vieux continent était très performant en matière de voitures compactes, économiques et peu chères, contrairement aux USA.
Mais la fiabilité nippone était très appréciée dans une Grande-Bretagne, aux productions souvent douteuses de ce point de vue. Décision a été prise de limiter les japonaises à 10 % de ce marché. En Italie, Fiat a aussi flairé le danger, et le Gouvernement italien, très perméable aux exigences du géant turinois, a lui, carrément obtenu que le Japon ne vende pas plus de 1 000 voitures par an dans la Botte.
Tout ceci s’est fait avec l’accord de la CEE, qui notait les fortes entraves posées par le Japon à l’entrée des européennes sur son propre marché. Et la France ? Les nippones ont mis du temps à se faire une place sur le marché. Toutefois, elles ont commencé à croître rapidement dans les années 70, passant de 0.74 % des ventes en 1973 à 2,74 % en 1976. On se rappellera l’échec de Renault au pays du soleil levant avec sa 4CV produite par Hino dans les années 50 : les Français ne manifesteront alors plus aucun intérêt pour l’archipel d’extrême orient.
En résulte un déséquilibre, qui poussera nos dirigeants à demander des quotas d’importation à l’Europe. Ils obtiennent 3 % en 1977. Ouf ! En 1991, l’Europe conclut avec Tokyo un accord d’auto-limitation des ventes de ses voitures sur vieux continent, suivi d’une ouverture graduelle du marché, via des quotas européens ont : 997 000 voitures en 1993, 1 105 000 en 1995 et ainsi de suite. Des chiffres que le yen, alors très fort, a empêché d’atteindre.
Seulement, Nissan a astucieusement contourné la question en construisant une usine à Sunderland, en Angleterre, en 1986. Les modèles qui en sortaient, considérés comme européens, échappaient aux quotas. La berline Bluebird, pas au niveau, n’a guère représenté de dangers, mais avec les excellentes Primera (1989) et Micra II (1992), il en allait tout autrement ! Cette dernière a même été élue Voiture de l'année.
Et n’oublions pas la British Leyland, dont la Triumph Acclaim de 1981 n’était rien d’autre qu’une Honda rebadgée. Rover allait poursuivre sur une tendance similaire, en rhabillant des autos de conception largement nippone (comme la Rover 825, grosso modo une Honda Legend dotée d’une carrosserie 100 % anglaise).
Les quotas montraient clairement leurs limites ! Ils ont définitivement sauté en 2001, d’autant que Toyota avait annoncé construire une usine à Onnaing pour y produire sa Yaris. Contrairement aux Américains, les Européens ont, en tout cas, réussi à protéger leur industrie des très performants japonais.
De sorte qu’on a énormément de mal à comprendre pourquoi elle ne parvient pas à faire de même avec les voitures chinoises. Au contraire, elle se jette dans la gueule du loup de l’Empire du milieu en décidant d’interdire la commercialisation des moteurs thermiques dès 2035. Elle a certes réagi (mollement et lentement) en levant des taxes d’importation, mais le mal est fait.
Pourquoi ? Parce que la Chine, considérée avec un certain mépris occidental comme l’atelier du monde, a pris une avance décisive en matière de technologie électrique. Tant dans le domaine de la fabrication que des voitures elles-mêmes, alors qu’elle ne parvenait pas à rivaliser sur les blocs thermiques.
La faillite de Northvolt, qui devait fabriquer en grande quantité des batteries en Suède, les grandes difficultés d’ACC, à Douvrin, pour en produire suffisamment avec un niveau de qualité satisfaisant, montrent à quel point nous sommes largués par les Chinois, qui acceptent de nous refiler leurs vieilles technologies mais se gardent jalousement les plus avancées. Le tout, en exigeant que nous leur transférions le meilleur de nos avancées pour nous autoriser à pénétrer leur marché… ce que nous avons accepté !
On voit le résultat, accéléré par des normes anti-CO2 européennes toujours plus draconiennes qui font bien peu de cas du temps industriel, obligeant les constructeurs à dépenser milliards d’euros (complétés de milliards d'euros supplémentaires d'aides à l'achat gouvernementales) pour précipiter la mise sur le marché de modèles électrifiés, dotés de batteries… chinoises. Pendant ce temps, les fournisseurs traditionnels tirent la langue, voire disparaissent.
Quant aux USA, ils affrontent désormais sans vergogne la Chine pour protéger leurs usines ! On a perdu notre industrie textile au profit de l’Asie, pourquoi faudrait-il qu’il en aille de même pour nos automobiles ? Voire notre aéronautique ? Car si Airbus reste le numéro 1 mondial des avions de ligne, il n’arrive pas à satisfaire la demande, au moment où le chinois Comac commercialise un concurrent à la famille A320, déjà âgée de plus de 40 ans…
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