Renault cartographie l’état des routes pour diminuer les pollutions sonore et atmosphérique
Lionel Bret , mis à jour
Une chaussée en mauvais état augmente la pollution sonore et entraîne aussi une surconsommation énergétique et une baisse d’autonomie pour les véhicules électriques. Renault a décidé de cartographier les rues et routes les plus dégradées de France et proposer des axes de rénovation ciblés aux pouvoirs publics. Zoom sur le programme Apache.
Avec développement de la voiture électrique, nous pensions que les bruits dus à la circulation allaient disparaître. Il n’en est rien ! 80 % des émissions sonores d’une voiture sont engendrées par le roulement. Et cela augmente de façon exponentielle selon l’état de la chaussée. Plus le revêtement est dégradé, plus le bruit (frottements, vibrations…) de circulation augmente. Un véritable problème de salubrité publique. D’après l’Organisation mondiale de la santé, 20 millions d'Européens se plaignent du bruit et 8 millions dorment mal. L’Ademe, l’Agence de la transition écologique, estime le coût social du bruit routier en France, à près de 80 milliards d’euros par an¹.
De quoi interpeller Thomas Antoine, Expert Leader Noise & Vibration Technology chez Renault Group, créateur du programme Apache (Auscultation du Profil Acoustique des Chaussées et de leur Efficacité énergétique). Son but, utiliser les données recueillies par les capteurs sonores embarqués dans les véhicules pour cartographier les rues et les routes les plus bruyantes de France. « Le problème du bruit dans l'environnement, ce n'est pas juste une histoire de quelle voiture et quels pneus. C'est l'interaction de la voiture avec son environnement. » explique-t-il.
L'impact sur les riverains
Pour réaliser son étude, Renault s’est tout simplement appuyée sur la technologie embarquée de control actif du son. Une technologie de plus en plus répandue chez l’ensemble des constructeurs. Des capteurs sonores placés autour du véhicule qui écoutent la route et ressentent les variations de bruit qu’elle provoque. Lorsque celui-ci augmente, les capteurs injectent une onde sonore dans l’habitacle qui va lisser le spectre sonore dans le véhicule pour annuler le bruit à bord et rendre le trajet plus silencieux. En étudiant les capteurs de control actif, Thomas Antoine s’est demandé s’il ne serait pas possible d’utiliser les signaux à d’autres fins. Voilà comment il crée Apache. Un boîtier installé à bord du véhicule analyse en direct, « comme l’aiguille d'une platine vinyle », l'état acoustique du réseau routier. Les données sont ensuite compilées afin de déterminer les endroits où rues et routes sont particulièrement dégradées. Donc bruyantes ».
Aider les collectivités
Pour affiner la carte de France des axes bruyants, Thomas Antoine a travaillé avec Fadila Hrird, une géomaticienne pour compiler et affiner les données bruyantes recueillies avec l’environnement immédiat de la chaussée en question (écoles, hôpitaux, maisons de retraite, etc.) afin de déterminer « le niveau d’impact qu’une route peut avoir sur les riverains. ». Mais pour que cette analyse soit complète, il manquait un élément essentiel : leur fréquentation. Cette donnée est cruciale car elle permet de déterminer la vitesse à laquelle une route se dégrade et à quel point elle engendre de la pollution sonore.
Gain de 6 décibels
Pour cela Renault s’est associé à Bruitparif, l'Observatoire du bruit pour la région Île de France. Ensemble, ils ont développé un programme test sur le territoire de Saint-Quentin en Yvelines. Si on savait déjà que la granulosité d’une chaussée a un impact direct sur le bruit, les tests effectués ont permis à Renault de mettre en évidence « qu’un changement d’enrobé permet pour un même véhicule de gagner entre 3 dB et 6 dB. » Aujourd’hui le programme est étendu à l’ensemble de l’Île de France avec une trentaine de véhicules équipés du boîtier Apache qui sillonnent la région. Le but est de pouvoir fournir aux pouvoirs publics en charge du réseau routier des données précises sur les axes les plus sonores, ainsi que leur impact sur le voisinage, afin de cibler les lieux où des travaux de rénovation seraient à mettre en place.
Lien entre bruit et consommation
Plus surprenant ! L’étude a mis en exergue un lien direct entre le bruit, les émissions de CO2 et l’autonomie des véhicules électriques. « La rugosité d'un revêtement entraîne plus de résistance, donc une surconsommation énergétique d’environ 1 % », souligne-t-on chez Renault. Bruitparif a calculé « qu’un euro investi pour l’amélioration d’une route représente 17 à 20 euros économisés sur le coût social du bruit. » À titre d’exemple, la réfection totale du périphérique parisien - route la plus empruntée en Europe - diviserait par quatre l’intensité sonore de la circulation et permettrait d’économiser, chaque année, « 16 000 tonnes de CO2 émis. » Le projet suscite aujourd’hui l'intérêt de plusieurs villes en France mais aussi à l'étranger, principalement dans des grandes villes européennes comme Bruxelles ou Genève.
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