Route de nuit - Le poids n’est pas (toujours) notre ennemi
On entend de plus en plus de gens, souvent écologistes, se plaindre du poids des voitures. Ils oublient que si elles se sont alourdies, ce n’est pas pour faire plaisir aux producteurs de matière première…
C’est vrai que les chiffres sont éloquents. Une Citroën AX 11 RE de 1986 pèse 645 kg, une Citroën C3 1.2 actuelle 1 077 kg. Soit une hausse de plus de 400 kg. Entre les deux, une Saxo 1.1 atteignait 825 kg.
Cet alourdissement se retrouve chez tous les constructeurs : se seraient-ils donné le mot pour nous refourguer des voitures plus lourdes, donc chères et rentables ? Pas vraiment. La principale raison pour lesquelles nos montures se sont engouffrées dans la voie de l’obésité, ce n’est pas l’équipement, comme on peut l’entendre. Un ensemble climatisation / 4 vitres électriques / sono, ça pèse moins de 50 kg.
L’explication est ailleurs. Au milieu des années 80, les constructeurs ont commencé à se poser sérieusement, dans leur globalité, la question de la sécurité passive, il est vrai, notoirement défaillante sur la très grande majorité des voitures.
Cela les a conduits à développer des coques bien plus solides mais aussi pesantes. Par exemple, on a beaucoup parlé du poids de la Fiat Tipo en 1988, souvent 100 kg plus élevé que celui de ses rivales, et d’au moins 150 kg supérieur à celui de la Ritmo qu’elle remplaçait. Mais la Tipo était beaucoup plus résistante en cas de choc. Un ordre d’accroissement que l’on retrouve de l’AX à la Saxo (825 kg en 1.1), pourtant réalisées à partir d’une même plateforme.
Pourtant, quand on consulte l’EuroNcap, la Saxo obtient de très mauvais résultats (1 étoile et demie), aussi on se demande comment se serait comportée l’AX au crash-test. A mon avis, de manière totalement effrayante.
A la Saxo a succédé la C3 de 1ère génération, qui atteint 980 kg en version 1.1, soit 155 kg de plus que sa devancière. Mais elle a réalisé des progrès colossaux en matière de sécurité passive, passant à 4 étoiles à l’EuroNcap. Par la suite, les progrès dans ce secteur ont ralenti, et la hausse du poids des autos a suivi la même tendance.
Alors que veut-on ? Des voitures légères et dangereuses en cas de choc, ou des voitures lourdes mais protégeant efficacement leurs passagers ? La réponse semble claire. L’autre possibilité serait de recourir à des matériaux ultralégers, mais voilà, ils coûtent fort cher. Ce n’est pas un hasard si BMW n’a pas remplacé son I3 largement réalisée en fibre de carbone : elle ne devait pas être rentable du tout, malgré son prix élevé.
Autre source prétendue d’alourdissement : l’appétence pour les SUV, la bête noire de pas mal de militants. Ceux-ci les stigmatisent tant et plus, sans se préoccuper des véhicules qu’ils ont remplacé dans le cœur des acheteurs, à savoir les monospaces. Pourtant, à motorisation égale, un VW Tiguan (SUV) ne pèse que 20 kg de plus qu’un Touran (monospace) tout en proposant des services similaires ! Plus fort, un Renaut Scenic (monospace) pèse 107 kg de plus qu’un Kadjar (SUVà) à motorisation égale (essence 140 ch), sans être plus spacieux. Fou, non ?
En revanche, l’électrification, souhaitée pour des raisons écologiques, constitue une cause colossale d’alourdissement. L’Europe contraint les constructeurs à s’engager dans cette voie, la seule permettant de répondre rapidement aux injonctions en matière d’émissions de CO2 à l’utilisation. Mais pas à la fabrication, une question fondamentale qui ne semble pourtant pas intéresser les décideurs !
Un passage à l’hybride, ce sont 200 kg supplémentaires, et une électrification totale, près de 300 kg. Par exemple, une Peugeot 208 Puretech 130 pèse 1 158 kg, une électrique de 136 ch 1 455 kg. Avec pourtant une petite batterie de 50 kWh qui n’offre pas une autonomie mirobolante. Et dire qu’en 2035, les thermiques neuves seront interdites à la vente…
Là encore, une politique plus progressive de l’UE aurait certainement permis un passage vers des baisses importantes d’émissions de CO2 qui n’auraient pas généré une hausse considérable de ces émissions à la production. Il faut savoir ce que l’on veut, et surtout, bien se renseigner sur l’automobile, bien au-delà des clichés véhiculés par des militants plus préoccupés par leurs peurs et leurs colères que la réalité des choses. Parce qu’en l’état, le passage au tout électrique risque ne rien résoudre de manière globale au problème des émissions.
N’exonérons pas totalement non plus les constructeurs, qui ont souvent fait passer la rentabilité avant l’innovation, à tel point que la totalité des tractions actuelles à moteur transversal utilisent exactement l’architecture mécanique inaugurée par la Fiat 128 en… 1969 ! Leur immobilisme, notamment, a ouvert une voie royale à Tesla, puis aux fabricants chinois de voitures électriques, bien plus avancés que les européens.
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