Route de nuit - Ralph Nader, l'homme qui a fait progresser la sécurité automobile
Dans son livre Unsafe at any Speed paru en 1965, l’avocat Ralph Nader a jeté un pavé dans la mare, forçant les autorités américaines à réagir pour améliorer la sécurité routière.
General Motors ne s’attendait certainement pas à ce que sa brave Corvair, destinée à contrer la VW Coccinelle, déclenche une telle polémique. A cause de son moteur arrière et de sa suspension à bras oscillants, la Chevrolet avait une tenue de route particulière, qui a possiblement engendré des accidents.
Aussi quand l’avocat Ralph Nader sort son livre Unsafe at any Speed (Ces voitures qui tuent), il déclenche un véritable séisme. Il y dénonce particulièrement le comportement routier de la Corvair, dont les roues arrière ont tendance à se replier sous la caisse dans certaines circonstances, et donc, engendrer des réactions étranges. Un défaut affectant en réalité toutes les autos dont les demi-arbres de transmission n’ont pas de cardan côté roue. Unsafe at any speed deviendra un best-seller, qui ébranlera l’industrie automobile américaine !
Acculé, Chevrolet remédiera rapidement à ce problème en installant ledit cardan. Mais Nader stigmatise aussi la conception de la commande des boîtes automatiques de l’époque, où la marche arrière était accessible non pas après la position P (Parking) mais L (Low, pour vitesse courte). De sorte que certaines personnes l’enclenchaient par inadvertance provoquant parfois un accident.
Sécurité, pollution: un touche-à-tout
Autres critiques du livre, celles concernant la pollution émise par les voitures, la signalisation routière, le dessin des pare-chocs dangereux en cas de collision avec un piéton… L’impact de l’ouvrage sur les esprits (!) sera tel que l’administration américaine se dotera d’un département transports, ce qui débouchera sur la création de la puissante NHTSA, National Highway Traffic Safety Administration. Celle-ci décidera de normes parfois très contraignantes, en termes de résistance au choc ou dépollution, parfois les cache-nez d’un protectionnisme galopant. Ainsi, ces régulations auront des conséquences non seulement sur les productions nationales, mais aussi européennes ou japonaises, donc finalement mondiales.
C’est un peu à cause de Nader que les voitures américaines seront étouffées par des systèmes de dépollution primitifs, puis dotées d’énormes pare-chocs à absorption d’énergie, voire de projecteurs « sealed beams », où les optiques sont scellées
Pour le design, on repassera...
L’antipollution nuira particulièrement à l’export des américaines, devenues peu performantes et gourmandes, sans gêner tellement les imports, qui se sont adaptés sans trop de soucis. En revanche, les pare-chocs et phares de sécurité les défigureront passablement, le cas le plus caricatural étant celui de la Citroën SM, qui perdra la superbe verrière abritant les projecteurs.
Les Européens et Japonais finiront par suivre, de près ou de loin, l’exemple américain, se dotant de normes antipollution (en France dès 1972), puis de crash-test. Tout ça grâce à Nader ? En partie seulement.
Dès 1959, Mercedes proposait des zones à déformation programmées dans sa W111, et Alfa Romeo dès 1962 dans sa Giulia. Volvo a inventé la ceinture 3 pointes en 1959, et c’est l’anglais Jensen qui a commercialisé, en 1966, la première voiture dotée d’un antibloqueur de freins. Et si GM a vendu quelques autos expérimentales dotées d’airbags en 1973, c’est Mercedes qui en dotera le premier ses autos de façon pérenne à partir de 1981, d’abord en option.
Il sera aussi établi que la Corvair ne tenait pas plus mal la route que ses rivales, voire parfois mieux, mais même si Nader a été excessif et peu objectif dans ses conclusions (oubliant que Ford avait déjà étudié soigneusement la sécurité passive de la Thunderbird de 1954), il a énormément contribué à rendre la route et les voitures plus sûres de façon mondiale.
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