Comme les Trois Mousquetaires, ils étaient quatre fines lames chez Matra : Beltoise, Pescarolo, Servoz Gavin et Jaussaud. Seul ce dernier ne pu accéder à la Formule 1 et tous reconnaissent qu'il y avait sa place. Le rêve passa et certains se seraient lassés, mais pas Jaussaud. Il s'entêta et pendant près de trente ans, fit une carrière exceptionnelle qui n'inspire que le respect.
Champion de Normandie en karting, Jean-Pierre Jaussaud ne pense déjà qu'à la monoplace, mais en 1960 la discipline s'apparente plus aux loisirs qu'à l'antichambre de formule 1. La timide ascension se brisera là, faute d'argent et faute d'un service militaire de trente mois de l'autre côté de la Méditerranée...
De retour en 1962, il tombe un peu par hasard sur un reportage consacré à l'école de pilotage de Jim Russell publié dans la toute jeune revue Sport-Auto. Installée sur le circuit anglais de Snetterton, l'école propose, non seulement des stages de pilotage au volant de monoplaces modernes, mais inscrit également ses meilleurs élèves dans des épreuves de Formule Junior. C'est le coup de foudre immédiat. Il emprunte, économise sou par sou et finit par embarquer pour l'Angleterre. A Snetterton, il opte pour une Lotus 18, plus ancienne mais qui possède l'avantage d'offrir une position de conduite "assise" et non allongée. "Ma seule expérience automobile se limitait à la 2 CV et ainsi je n'étais pas trop dépaysé" se souvient-il.
Dans sa Lotus "tout confort", il se paye bientôt le luxe de battre les chronos des moniteurs et Jim Russell, lui promet un engagement gratuit dans six courses. Jean-Pierre ne disputera jamais ces épreuves, mais en compensation, il se voit invité à suivre les cours de la nouvelle école Winfield qui vient de s'installer à Magny Cours. Pionnière en matière de promotion, l'école offre avec le soutien de Shell, une monoplace de F3 au lauréat d'une finale qui réunit les six meilleurs élèves de l'année.
Qualifié sans soucis, pour la finale, Jaussaud y arrive avec un moral "à tout casser" et surclasse ses rivaux. Lauréat du Volant Shell, il prend livraison de sa F3 (une Cooper-BMC) au printemps 1964, mais tout lui reste à apprendre. Il n'a pas les moyens de payer les services d'un mécano et c'est avec le concours de Tico Martini qu'il se familiarise avec les réglages et assure l'entretien de sa monoplace. Après un galop d'essai à Goodwood, Jaussaud débute au GP de Pau au volant de sa Cooper bleu de France. Eric Offenstadt, ancien motard et auteur de deux belles saisons en Formule Junior est le favori du championnat. Il s'élance en tête et mène la course devant Jaussaud lorsqu'il sort de la piste. Inquiet pour son rival s'arrête par réflexe et c'est Eric qui le remet sur les rails en le rabrouant "mais fonce donc ballot, c'est toi qui gagne maintenant !"
Première course, première victoire, puis des podiums, voilà le débutant en tête du championnat. L'élan se brise à Monaco. Troisième temps aux essais derrière l'inaccessible Jackie Stewart et le Suisse Silvio Moser, il est solidement installé dans leur sillage en course, lorsque l'accélérateur se bloque et la Cooper s'écrase dans le mur. Si le pilote est indemne, la monoplace est en miette. Il devra attendre deux mois avant que Cooper "daigne" lui livrer un châssis neuf. Trop tard pour le championnat, où il finit à la troisième place derrière Grandsire et Offenstadt. Déçu et sans ressources, Jaussaud déclare à ce dernier qu'il va abandonner la compétition et une nouvelle fois, Eric va jouer le bon samaritain en le prenant comme second pilote dans une firme inconnue qui se lance en F3 : Matra.
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