La sécurité routière a officiellement annoncé la mise en place des premiers radars « tronçon », mardi dernier. Ces nouveaux appareils doivent permettre de mesurer la vitesse moyenne des véhicules, donc de les contrôler non plus seulement en un point précis mais sur une portion de route de plusieurs kilomètres. Objectif avoué : « lutter contre le comportement dangereux de certains conducteurs qui freinent à l’approche d’un radar et ré-accélèrent après l’avoir dépassé », explique-t-elle dans un communiqué.
Appareils non homologués, verbalisation en août à confirmer !
Cette annonce paraît pour le moins précoce, puisque les radars en question ne sont toujours pas homologués par le LNE, le laboratoire en charge de cette certification. Or, les autorités préviennent également qu'après une période de test, ces « dispositifs verbaliseront les conducteurs en infraction à partir du mois d’août ». Pourtant sans homologation, aucun PV n'est valable. Pourront-ils être certifiés d'ici-là ? Possible. Mais selon nos informations, il n'y a pour l'heure aucune certitude concernant la date à laquelle sera délivré le futur certificat d'examen type, preuve de l'homologation de ces nouveaux radars.
Pourquoi tant de précipitation alors ? L'ambition des pouvoirs publics est bien entendu de mettre la pression sur les conducteurs à quelques jours des grands départs en vacances, afin de les responsabiliser et freiner les comportements à risque. Objectif sans doute bien louable. Sauf que l'arsenal des radars automatisés ne cesse de toute façon d'être renforcé, et ce ne sont sans doute pas les trois radars « tronçon » qui vont être installés d'ici la mi-juillet qui vont changer quoi que ce soit. Les trois sites concernés sont ainsi les suivants :
- le tunnel contournant Besançon, sur la RN 57 et sur une distance de 2km, à hauteur de la commune de Beure (Doubs),
- le pont de Saint-Nazaire sur les communes de Saint-Brévin-Les-Pins et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique), la portion contrôlée est de 3,5km,
- la RN 21, sur une section de près de 5km, à Pujols (Lot-et-Garonne), dans le sens Agen vers Villeneuve-sur-Lot.
Comme ces premières installations le laissent entrevoir, les radars « tronçon » équiperont en priorité les tunnels, les ponts et autres ouvrages d'art sur les routes. « Une quarantaine d’équipements supplémentaires seront mis en place avant la fin de cette année », nous précise la Sécurité routière. Pour rappel, en février 2011, Brice Hortefeux, alors ministre de l'Intérieur, avait lui carrément déclaré qu'il y en aurait 100 d'installés d'ici la fin de l'an dernier... Et ce, alors même que l'État avait commencé dès 2010 à passer un marché avec Morpho (ex-Sagem), le fabricant de ces nouveautés. La précipitation des pouvoirs publics les concernant ne date donc vraiment pas d'hier !
Les autres questions d'ordre réglementaire
En dehors de leur homologation en attente, la future légalité de ces radars « tronçon » suscite pourtant encore bien d'autres interrogations :
- L'arrêté du 4 juin 2009, encadrant la construction et l'utilisation des cinémomètres de contrôle routier (le nom savant des radars), ne cite en effet à aucun moment ces instruments qui font appel à une nouvelle technologie (ce ne sont ni des doppler, ni des lasers) et à un nouveau type de mesure (une vitesse moyenne et non une vitesse en un seul point). Le bureau de la métrologie, en charge de l'aspect réglementaire des instruments de mesure, aurait estimé que le texte n'avait aucunement besoin d'être rectifié pour les intégrer. Pas sûr cependant que ce choix se révèle judicieux devant les tribunaux, selon certains avocats.
- Un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) n'est-il pas non plus indispensable à leur mise en place, compte tenu de leur fonctionnement ? En effet, dans un premier temps, toutes les immatriculations des véhicules qui circuleront sur les voies surveillées seront relevées, et pas seulement les numéros des voitures en faute. Puisque la vitesse moyenne sera calculée à partir de deux mesures de vitesse – pas nécessairement excessives - et d'un temps de parcours entre deux points. Deux caméras, équipées d'un système de lecture automatique de plaques, vont ainsi enregistrer en un point A et en un point B, toutes les immatriculations qui passent. Que dit la Cnil au sujet de ce fichier issu d'un traitement automatisé ? Pour l'heure, nous attendons ses précisions et ne manquerons pas de les relayer, si la Commission consent enfin à nous répondre...
- Enfin, le lieu de l'infraction donne aussi matière à discussion, même si l'article L130-9 du code de la Route a d'ores et déjà été modifié par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, en mars 2011, pour prendre en compte cette nouvelle notion de vitesse moyenne. Selon sa nouvelle rédaction, quand « l'excès de vitesse est constaté par le relevé d'une vitesse moyenne entre deux points (...), le lieu de commission de l'infraction est celui où a été réalisée la deuxième constatation ». « La belle affaire ! », réagit Maître Caroline Tichit. Selon l'avocate spécialiste du droit routier en effet, « un procès-verbal ne peut en aucun cas souffrir d'une imprécision, en particulier sur le lieu de l'infraction, pour conserver toute sa force probante, et la nouvelle disposition de cet article du code de la Route apparaît grandement discutable d'un point de vue juridique ».
Clichés, erreurs maximales tolérées… Qu'est-ce que cela change ?
Sauf surprise et nouvelles dispositions prises en urgence, les conducteurs ne seront pas plus identifiables sur les clichés de ces nouveaux radars de vitesse moyenne que sur la grosse majorité des photos prises par les appareils « classiques ». En d'autres termes, les propriétaires contestataires des contraventions, ainsi émises et envoyées directement à leur domicile, devraient rester redevables d'une amende, à moins qu'ils n'apportent des preuves de leur innocence (qu'ils n'auront donc pas grâce aux clichés), tout en échappant au retrait de point(s), selon l'article L121-3 du code de la Route... N'est-ce pas continuer à privilégier les riches conducteurs ?
Ces nouveaux radars « tronçon » devront également être considérés comme des appareils à poste fixe dont les erreurs maximales tolérées seront les suivantes pour les instruments en service :
- plus ou moins 5 km/h, pour les vitesses inférieures à 100 km/h ;
- plus ou moins 5 % de la vitesse, pour les vitesses égales ou supérieures à 100 km/h.
Au final, à part l'allongement de la zone de contrôle, aucun changement notable n'est donc à prévoir dans le fonctionnement de ces nouveaux radars automatisés. Ce qui n'est pas le cas de toutes les nouveautés attendues d'ici la fin de cette année...
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