Il est toujours malvenu de remuer le couteau dans la plaie, mais comment parler de la XE sans évoquer dans un douloureux préambule la X-Type ? Sortie en 2001, c'était la première tentative de Jaguar de s'attaquer à la catégorie des familiales premium dominée par les Allemands. Sa production prend fin en 2009 sans avoir satisfait les objectifs de Jaguar, qui avait pour ambition d'atteindre 100 000 ventes par an. Malheureusement, sa meilleure année, 2003, atteindra à peine la moitié de ce chiffre. Cet échec peut s'expliquer par de nombreuses raisons, les principales étant qu'elle était développée sur la base d'une roturière Ford Mondeo et qu'elle cumulait quelques titres peu reluisants comme première traction, premier diesel et premier break de l'histoire de la marque, ce qui n'a rien fait pour améliorer son image.
Mais l'important est d'apprendre de ses erreurs, et c'est ce que Jaguar a fait de fort belle façon. Présentée en octobre dernier au Mondial de Paris, la XE inaugure en effet une toute nouvelle plate-forme modulaire produite dans l'usine à 2 milliards d'euros de Solihull, en Angleterre, fraîchement inaugurée. Lors de la conférence de presse, les ingénieurs insistaient bien sur un point : développée parallèlement à la F-Type, la XE a été conçue comme une voiture de sport. Ainsi, sa coque est constituée à 75 % d'aluminium, une caractéristique inédite dans la catégorie lui permettant de ne peser que 251 kg, avec une résistance à la torsion 20 % supérieure à celle de la XF, les liaisons au sol, faisant aussi la part belle à l'aluminium, sont constituées d'un train avant à triangles superposés et d'un train arrière à bras intégrés. Et c'est une propulsion, en attendant des versions à transmission intégrale l'année prochaine.
Cinq motorisations seront proposées à son lancement. Disponible en boîte manuelle à six rapports ou automatique à huit rapports, l'offre diesel est entièrement assurée par un 2,0 l diesel offert en deux versions, une première baptisée E-Performance développant 163 ch et 380 Nm avec des émissions de CO2 remarquablement basses, à 99 g/km, et une seconde plus véloce avec 180 ch et 430 Nm pour 109 g/km de CO2. Côté essence où la boîte automatique est de rigueur, un 2,0 l turbo est annoncé à 200 ch et 280 Nm, ainsi que 240 ch et 340 Nm, et le haut de gamme est confié au déjà connu V6 3,0 l à compresseur fort de 340 ch et 450 Nm.
Alors que les essais des versions définitives sont annoncés pour avril et la commercialisation est prévue en juin, Jaguar nous a invités dans les environs de Lisbonne pour essayer des modèles de présérie comme il n'en existe aujourd'hui que 16 au monde, à commencer par une version 2,0 l diesel 180 ch en boîte automatique dans sa finition la plus haute, R-Design, affichée à 46 050 € et de plus bardée d'options. La première impression n'est pas la meilleure : l'accès à bord, à l'avant comme à l'arrière, n'est pas des plus faciles à cause des entourages de portière qui ne sont tout simplement pas assez larges. Il faut en effet pour s'asseoir contourner le montant à l'avant comme à l'arrière pour « tomber » dans le siège. On retrouve d'ailleurs un problème similaire au niveau du coffre, avec un couvercle de malle tenant plus de la trappe pour accéder aux 455 litres de volume de chargement.
Une fois installé à bord le tableau s''éclaircit : la position de conduite est excellente, ce que l'on est en droit d'atteindre avec des sièges avant réglables électriquement dans pas moins de 14 directions (une option à 900 €) et les passagers arrière, pour peu qu'ils ne dépassent pas 1,80 m, seront installés confortablement, avec de l'espace tant au niveau de la tête que des genoux. La planche de bord n'est pas d'une folle originalité, hormis le sélecteur de vitesse qui se déploie au démarrage comme dans toutes les Jaguar contemporaines, mais offre un bon compromis ergonomique entre les fonctions accessibles via des boutons ou via l'écran tactile. La finition est inégale : certains matériaux sont indignes du label premium, comme les plastiques entourant la console centrale semblant très fragiles, et il y a quelques bruits de mobilier, mais on laissera le bénéfice du doute à ce modèle de présérie sur ce sujet.
Une fois sur la route, commençons par parler du moteur qui mérite à lui seul son petit paragraphe. Ses chiffres, 180 ch, 430 Nm, 4,2 l/100 km annoncés en mixte et 109 g/km de CO2, ne racontent en fait qu'une partie de l'histoire : c'est un moteur particulièrement bien servi par la boîte ZF à huit rapports avec un caractère étonnant. Caractéristique rare pour un diesel, il ne rechigne pas en effet à prendre des tours sans pour autant donner l'impression de s'essouffler, au point que le limiteur de régime surprend de temps en temps son conducteur. Mais ce n'est que la première surprise que nous réserve cette XE. La seconde concerne son châssis. Après avoir pu apprécier son confort sur une portion d'autoroute, avec un ronronnement moteur discret mais des bruits d'air un peu moins bien maîtrisés, notre itinéraire se poursuit dans la campagne portugaise. La XE est alors une révélation, avec un équilibre et une agilité en rapport avec le discours enthousiaste des ingénieurs de la marque pendant la conférence de presse.
Malgré un bitume humide voire trempé, le train avant reste verrouillé au sol sans même le moindre soupçon d'amorce de sous-virage, la direction à assistance électrique n'est pas un modèle de communication et hérite d'un point milieu un peu trop large mais reste très précise et le train arrière enroule de façon très sereine, sans excès. Notre modèle d'essai étant équipé de suspensions adaptatives (une option à 1 100 €), il conviendra de vérifier si le caractère reste intact avec des éléments passifs. Après un parcours d'environ 300 km, la consommation constatée à l'ordinateur de bord s'établit à 6,5 l/100 km, ce qui semble tout à fait raisonnable en rapport avec le rythme disons enjoué.
Nous avons pu ensuite prendre le volant du haut de gamme S, au tarif démarrant à 61 800 € et avec des options similaires, équipé du V6 3,0 l à compresseur de 340 ch et 450 Nm, forcément associé à la boîte automatique à 8 rapports et avec un tarif démarrant à 61 800 € et avec des options similaires, pour parcourir les 150 km d'autoroute nous séparant de l'aéroport. Le châssis avec toujours les suspensions adaptatives se montre à pleine plus ferme chaussé de jantes de 19 pouces optionnelles à 760 € et le mode de suralimentation lui offre un punch à tous les régimes avec cependant une grande discrétion du bruit moteur à laquelle la F-Type équipée de la même mécanique ne nous a absolument pas habitués.
La Jaguar XE est un produit bien né qui dispose de tous les outils pour chambouler l'échiquier de la catégorie des berlines premium où la grande majorité des pièces est allemande. À l’issue de notre courte prise en mains et donc à confirmer lors d'un essai plus long, elle semble être en effet un parfait intermédiaire entre une BMW Série 3 et une Mercedes Classe C, en associant le dynamisme de la première au confort de la seconde.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération