Boîte transaxle et bel équibre
Avant de faire émerger cette poignée particulière ouvrant la porte en élytre accompagnée d'un léger bruit de vérin pour prendre le volant de cette Aston Martin V12 Vantage S, il faut apporter quelques précisions techniques. D'une part, cette version 'S' a laissé tomber la boîte manuelle classique pour une boîte Sportshift III à palettes au volant conçue par le spécialiste Graziano. Mais attention, il ne s'agit pas d'une boîte double embrayage, ni même d'une automatique comme l'est la ZF 8 rapports qui fait le bonheur des Jaguar et des Bentley, ce n'est rien d'autre qu'une boîte manuelle pilotée. Comme dans les Abarth. Je vous renvoie vers notre équipée du Gumball 3000 de l'an dernier pour découvrir quel est le gros défaut de ce type de transmission. Le temps de passage n'est pas aussi caricatural que sur la petite Abarth, même si une Aventador à boîte simple arbre est plus rapide, mais si vous ne levez pas le pied au moment du passage de rapport, le haut de votre corps mimera vite le fan de hard rock en plein concert. Cette boîte ne semble pas non plus conserver le rapport engagé au rupteur, plutôt brutal, qui arrive très vite avec une telle cavalerie mais elle a tout de même un gros avantage, elle est posée sur l'essieu arrière selon le principe bien connu du Transaxle : moteur avant et boîte arrière pour une meilleure répartition des masses qui est ici de 51/49. De plus, si l'énorme V12 prend tout le compartiment moteur, il est en grande partie situé derrière l'axe des roues avant quand l'habitacle est lui reculé très en arrière. Une grande partie du poids, annoncé à 1745 kg, est donc situé dans l'empattement, qui plus est, relativement court (2,60m). Parfait pour s'amuser.
Prendre le temps
Autant dire que cette caractéristique d'équilibre est la bienvenue avec ces pneus hiver qui donnent chaud. Je ne sais pas ce que ça donne en pneus « normaux » mais, ici, au petit matin sur des routes en sous-bois parfois humides, la désactivation du contrôle de stabilité ne s'est pas imposée tout de suite. Le voyant qui clignote encore en quatrième, les réaccélérations les plus minimes qui débordent le grip, le train avant qui met un petit temps avant de réagir au coup de volant, le freinage sur des œufs (carbone céramique, disques AV 398 mm de diamètre étriers 6 pistons d'origine s'il vous plait) avec la poupe qui gigote, le panel des sensations ressenties ne vous incite pas à lever la garde électronique mais à poursuivre la découverte mutuelle sans brusquerie. On a bien pensé tenter une v-max (323 km/h) sur le circuit du Castellet tout proche mais les pneus hiver qui font vibrer la voiture à partir de 170 km/h nous en ont dissuadés. Non, si vraiment vous voulez profitez de toutes les prestations d'une Aston Martin en hiver, trouvez-vous une Cygnet !
Pour passer le temps, et dieu sait que cette auto est un bonheur pour simplement « passer le temps », on commence à chercher comment régler la climatisation et la radio puis, après 20 mn infructueuses, on passe à autre chose. On presse alors le bouton « suspension » qui durcit légèrement la donne puis on revient au mode standard qui offre un bon compromis entre confort et rigueur. Je n'en changerai plus. On appuie ensuite sur le bouton Sport (oui, il y a beaucoup de boutons différents, n'oubliez pas que l'auto a plus de 10 ans) qui joue sur l'ABS et dégage la tubulure d'échappement bien plus que ce qu'il aiguise la direction ou la réactivité de l'accélérateur. Puis, le ciel bleu aidant, on décapote enfin pour ajouter au plaisir que nous éprouvons à notre flânerie et on goûte plus clairement, en souriant benoitement, le registre de borborygmes et d'aboiements dont est capable ce « gros cube » à 12 gamelles de près de 6l de cylindrée qui envoie déjà plus de 500 Nm aux roues arrières dès 1000 tr/mn ! La personnalité de ce V12 est finalement très différente de ceux de la Lamborghini Aventador ou de la Ferrari 599 GTO à la course très courte (75 ou 76 mm) qui s'envolent vers les 9000 tr/mn en emportant tout sur leur passage alors que celui-ci, à la course un peu plus longue (79,5mm) s'étouffe avant d'atteindre les 7000 tr/mn. Il grogne très tôt, s'empourpre joliment jusqu'à 6000 tr/mn puis s'essouffle, annonçant qu'il est temps de monter d'un rapport. Ce manque d'allonge pour un atmosphérique est étonnant, son caractère coupleux ressemble à celui des blocs suralimentés actuels qui, pour certains (McLaren 650S), arrivent à grimper bien plus haut que cet AM28 brillant mais pas jusqu'au boutiste.
Après quelques heures, il est temps de s'attaquer au dernier bouton intéressant de cette Aston. Deux appuis longs consécutifs désactivent enfin le DSC. Le pied droit s'allège, le cerveau devient beaucoup plus alerte, l'œil scrute les zones humides, les mains s'activent de plus en plus, le rythme augmente et la première dérobade arrive très vite en sortie de courbe. Par chance, le différentiel à glissement limité ainsi que l'équilibre des masses soigné agissent pour qu'un piège supplémentaire ne s'ajoute pas à celui de votre enthousiasme. L'Aston Martin V12 Vantage S Roadster a un petit quelque chose d'AC Cobra, de muscle car surmotorisée mais contemporaine car placée sous contrôle électronique pour ceux qui ne veulent pas suer à chaque fois qu'ils prennent le volant. L'essentiel est que tout cela soit débrayable pour les gens responsables mais aussi pour les irresponsables qui, dans ce cas de figure, devraient prendre rapidement et douloureusement conscience de leur … irresponsabilité. L'Aston Martin V12 Vantage S Roadster (avec nos gommes molles) n'est pas dangereuse, elle demande simplement de la rigueur, beaucoup d'humilité et de douceur pour aller vite.
Pratique
Au rayon Pratique, j'avoue avoir été surpris par le rayon de braquage très correct de l'auto qui dispose pourtant à l'avant d'un V12 qui farci intégralement l'espace disponible. La voiture, exceptionnelle par ses caractéristiques, se montre finalement très facile à vivre, ce qui n'est pas toujours le cas dans ce segment. C'est d'ailleurs une GT bien plus qu'une supercar. Autre aspect, probablement anecdotique pour les propriétaires, la consommation. Avec un moteur atmosphérique cubant près de 6l (5935 cm3 exactement), il ne faut pas s'attendre à des chiffres spectaculairement bas et ce d'autant plus que ce moteur est relativement ancien. Rouler très tranquillement vous fera tourner autour des 15l/100, vouloir écouter les vocalises du V12 sur chaque rapport va vous faire grimper beaucoup plus haut, au moins le double. Mais, je le répète, est-ce bien important avec ce type de voiture ? Et puis, comme pour vous signaler gentiment que vous commencez à dépasser les bornes, des émanations provoquées par la chaleur forcément difficile à dissiper dans si peu d'espace viennent vous titiller les narines, c'est alors le signe qu'il est temps de reprendre un rythme plus doux dans lequel cette V12 Vantage S Roadster excelle.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération