2. Essai - Ducati Monster mod. 2021 : retour aux sources
Monter sur le Monster ne provoque plus la même sensation de se trouver sur une moto faite d’acier et de tripes (à l’air). Tout est léché au possible, mis en valeur, chaque pièce est dessinée spécifiquement, chaque détail réfléchi. C’en serait presque chirurgical lorsque l’on a connu les générations passées, du moins les premières générations. Ça en deviendrait trop propre. Le monstre est bien en cage ! Jusqu’à ce que l’on pousse le démarreur… Là, le grondement arrive après une déflagration métallique et son craquement. Les vibrations s’installent, on ressent la force de ce bicylindre à l’architecture devenue trop rare face aux twins parallèles. Pour autant, cela reste doux, onctueux. Le double échappement superposé, pour petit qu’il soit en proportion, donne déjà de la voix, tandis que l’on sent la bête respirer au travers de l’admission d’air. Tiens donc… Intéressant.
Pour quitter le « nid », nous voici en Mode moteur Urban, censé offrir la réponse la plus douce à l’accélérateur et mettre les assistances en veille très active. C’est assez suave, mais déjà l’on ressent la grande nervosité de la partie cycle. La Monster apparaît courte, avec une colonne de direction très droite (seulement 24° d'angle de chasse) et une belle vivacité. Un régal en agglomération et une petite brute, probablement, sur route. Surtout, elle est d’une légèreté redoutable, et ça, c’est appréciable en tout point, surtout lorsque l’on sait être au guidon d’une presque 1000. Voici donc le nouveau visage voulu par Ducati ? Aisance, facilité, accessibilité. C’est noté, mais on sent aussi que même canalisé pour l’instant, le monstre veille, guettant la moindre occasion pour sortir ses griffes. Enfin sa griffe de Monster.
Alors que l’on serre le cadre (et non le réservoir), les genoux sur les supports « plastiques », les pieds se retrouvent remontés et en arrière sur des repose-pieds fins aux caoutchoucs devenant particulièrement glissants une fois humides (attention !). Autre point, l'écartement progressif des supports de repose-pieds se fait sentir au niveau des talons. Malgré les bras tendus et plongeant vers une colonne de direction résolument basse, on peut être à l’aise. Un guidon plus relevé aurait à notre sens été un plus. La posture est du coup assez sportive, et l’on devine qu’il va y avoir besoin d’un peu d’engagement physique à un moment ou à un autre. En tout cas, pas en ville, où la facilité est de mise. Du moins pour le train roulant.
Niveau ergonomie, on regrette des rétroviseurs dont le miroir n'est pas réglable verticalement, à moins de desserrer le support et donc de changer au passage la position des leviers. Bof. Autre point concernant la commande des clignotants, trop basse et de forme peu agréable au pouce. Dommage du coup que l'arrêt des clignotants (séquentiels au demeurant), ne soit pas automatique. Enfin, dernier point, le réglage des niveaux d'assistance est impossible en roulant et l'activation d'un comportement moteur se fait uniquement gaz clos, là où BMW, par exemple, permet de le faire à la volée. Pour le reste, tout va bien.
Dès les premiers mètres, on est surpris par le manque de souplesse du moteur. Il cogne, il grogne, il demande plus qu’un filet de gaz. On avait perdu l’habitude d’un bicylindre aussi exigeant en matière de rapport et de régime moteur. En ville, on passe rarement la 4, qui demande un bon 50 pour se montrer à l’aise et surtout d’être au-dessus de 3 000 tr/min. Voici qui intrigue, qui pique au vif les amateurs de bicylindre en V. Enfin en L. Que nous ont-ils fait là ? On dirait… un Monster. Mais un de la grande époque. Chauffage des jambes compris (surtout à droite côté ligne d'échappement).
Ce côté rugueux, cette attention qu’il faut lui porter tant au niveau de l’embrayage que du dosage des gaz. Dites donc, on fait un bon bond dans le passé ! Mais c’est que ça devient amusant, ça… Quand on aime ce genre de challenge, quand on apprécie communier avec son moteur. Surtout avec une poignée de gaz moins réactive, mais toujours précise. On y va pour le Mode Tourisme. On profite d’un peu plus de réponse, mais toujours sans excès. Suffisant pour évoluer en douceur, toujours, dans la plage de régimes permise. On ne dépasse jamais les 5000 tr/min, ni le 3e rapport, ce ne serait pas « raisonnable ». Et toujours ce souffle qui couve entre les jambes, cette respiration franche…
Mode Sport. Débarrassé de toute gestion « inutile », le moteur devrait donner son plein potentiel. La course de l’accélérateur demeure importante, tandis que les réactions à la poignée de gaz restent filtrées là où l’on s’attendait à plus de précision. Comme si l’on amenuisait les bas régimes, les risques de se faire surprendre, de se voir chahuter. Car pour ce qui est d’avoir de l’énergie, le Testastretta en a à revendre. Mais pour la trouver, il va falloir franchir le cap des 6 000 tr/min. De quoi faire ressortir une plage moteur curieusement « creuse » depuis les 4 000 tr/min, comme si le moteur marquait un plateau et jouait de son couple plutôt que de sa puissance, mais sans réel panache. Pour en avoir (du panache), il faut le secouer, le remuer, le provoquer. Un phénomène d’autant plus sensible - et peut-être trompeur en l'absence de comparaison possible - que l’on se trouve sur les rapports supérieurs.
S’il est possible d’envisager de reprendre dès 65 km/h en 6 au prix de quelques protestations du moteur, les plus nerveux d’entre nous préféreront soit jouer de la boîte de vitesses, en poussant à fond la 1re à près de 92 km/h, enchaînant en un coup de shifter jusqu’aux 133 permis par la 2nde, avant de s’envoler à plus de 165 sur la 3. Là, on quitte le monde de la linéarité pour celui de la sensation, qu’elle soit moteur ou partie cycle ! On quitte surtout la ville, où il sera compliqué de se départir d’une quiétude imposée sans risquer de passer pour un doux dingue. En effet, on a rapidement envie de jouer des gaz, de la sonorité ample et du facteur amusant (fun factor) afin de se secouer un peu la couenne. Un dos-d'âne ? Et c’est nous qui devenons des baudets. Ça décolle, ça lève, ça pose. Ah, le voilà, ce petit monstre qui vient vous tarauder l’esprit, vous inciter à jouer à la baballe…
Dès que la puissance arrive, on sent le train avant se délecter/délester et réduire considérablement son empreinte au sol. Dès lors, deux cas de figure. Soit on a le couple anti patinage/anti wheeling activé, et ça repose immédiatement et en douceur, soit on a mis le dispositif en berne et l’on sent la roue pointer en l’air, toujours en douceur et avec un grand contrôle. On est bien entendu sur les petites routes de campagne… Là où le moindre relief devient un prétexte, là où la mécanique s’ébroue. Et le conducteur avec
L’amortissement, plutôt doux et agréable à vitesse modérée, se raffermit notablement au niveau de la fourche, induisant quelques rebonds intempestifs lorsque le bitume se dégrade. L’attaque sur petite route demande d’accepter des mouvements de direction pouvant devenir amples en cas de bosselage prononcé (pif paf, ça bouge sans tabasser), au point de donner envie d’un peu plus de liberté hydraulique ou d’un amortisseur de direction. Quoi que, la Monster se stabilise naturellement et de manière presque inattendue pour une moto aussi courte, tandis que l’on se prend à rapprocher ce comportement joueur à celui d’une Z1000 autrement plus énervée niveau moteur.
Sans avoir à se battre avec la Monster, on comprend donc que les gènes et l’architecture de sportive encouragent à sortir les fesses de sur la selle, à jouer du poids de ses épaules et de son corps, ainsi que du genou pour conserver une trajectoire impeccablement précise. Stabilité, rigueur sont alors les maîtres mots tant que le revêtement le permet. Si l’on se contente de jouer sur le guidon et sur la direction, comme on pouvait aisément le faire en agglomération, on élargit immanquablement à l’apex du virage, tout en conservant la possibilité de corriger d’un coup de reins ou d’une ouverture de jambe. Simple.
Là encore, la faible masse en mouvement permet de jouer plus que de raison et de corriger n’importe quelle situation. Avec ou sans bagage technique. D’autant plus que freiner de l’avant sur l’angle n’implique pas de phénomène parasite. On préférera cela dit faire usage du frein arrière pour s'inscrire au mieux en courbe. Un frein résolument dosable et dont on peut désactiver l’ABS si l’on désire un meilleur ressenti ou plus de challenge pour conserver l'accroche du pneu Pirelli Diablo Corsa III de 180 de large. Les gommes italiennes profitent d'un profil pointu pour augmenter le caractère incisif de la mise sur l'angle et leur toucher de route se montre très agréable, même par ces températures fraîches.
À ce titre, mention spéciale au couple Bosch/Brembo, qui permet de se faire grandement plaisir et de repousser les limites normales d’un ABS. Au point de pouvoir mettre l’arrière en glisse (vous aimez la conduite façon supermotard ?), de planter littéralement un freinage de l’avant et de soulever amplement les fesses, tout en conservant une intervention de l’anti blocage si l’adhérence change ! Le freinage se montre à la fois précis et puissant, modulable, performant, tout en étant idéalement adapté à une utilisation routière, notamment au travers de l’avertissement de freinage d’urgence (les feux de détresse se mettent à clignoter rapidement lorsqu’il s’active). Si on le calibre de manière plus intrusive, l’ABS intervient de manière précise, discrète dans son retour dans les commandes au pied et à la main et surtout prévisible. Par contre, il rallonge sensiblement les distances de freinage. Autant le savoir.
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