Essai vidéo : Faut-il pleurer la mort de l'Audi R8 ?
Méprisée par ceux qui ne jurent que par Porsche ou Ferrari, restée dans l’ombre de son encombrante cousine de chez Lamborghini, l’Audi R8 s’éteint en emportant avec elle le plus beau moteur de toute l’histoire du constructeur allemand. L’occasion de se rappeler à quel point l’esprit de cette berlinette pleine de contradictions, à mi-chemin entre le monde des supercars et des GT, détonnait dans le monde des super-sportives.
Revenons au début des années 2000. La montée en gamme d’Audi démarrée sous l’impulsion de Ferdinand Piech au début des années 70 permet à la marque aux anneaux de s’imposer désormais comme un concurrent direct et crédible de BMW et Mercedes. Cette montée en gamme doit beaucoup aux efforts technologiques déployés aussi bien en rallye dans les années 80 que dans le développement de gros moteurs thermiques puissants dans les années 90.
Les Audi RS 4 et RS 6 en remontrent aux BMW M3 et M5, la limousine A8 ose s’attaquer à la grande Classe S avec un châssis tout en aluminium et le constructeur d’Ingolstadt devient maître aux 24 Heures du Mans avec sa R8, hélas sans véritable concurrence dans la Sarthe. Que manque-t-il encore à Audi pour devenir une référence incontournable des marques premium qui font rêver partout dans le monde ? Une authentique sportive d’exception, peut-être, qu’on trouve bien dans l’histoire de BMW (M1) ou celle de Mercedes (300 SL) ?
Il se trouve que Ferdinand Piech, désormais homme fort du groupe Volkswagen entier et non plus simplement de la marque Audi, adore les voitures de sport. Il vient de lancer le projet le plus ambitieux jamais vu pour une sportive au sein de la marque Bugatti nouvellement acquise, celui qui débouchera sur la Veyron puis la Chiron une décennie plus tard. Alors qu’une GT ultra-moderne (la Continental GT) se prépare aussi chez Bentley à donner un gros coup de vieux à Rolls-Royce désormais détenue par BMW, il lance le projet d’une voiture de sport à peine moins élitiste chez Audi : elle devra concurrencer directement la Porsche 911 et parachever la réussite de la marque aux anneaux. Annoncée par le sublime concept-car Le Mans Quattro exposé au salon de Francfort 2003, elle s’appellera finalement « R8 » pour rendre hommage à la voiture de course éponyme ayant remporté les 24 Heures du Mans à cinq reprises entre 2000 et 2005.
Synergies de groupe oblige, le modèle de série lancé en 2007 reprend le châssis de la Lamborghini Gallardo commercialisée depuis 2003. Avec un design très proche du concept Le Mans Quattro tout de suite salué pour sa beauté et un V8 4,2 litres de 420 chevaux repris de la RS 4.
Forte d’un châssis en aluminium, d’un habitacle spacieux et bien équipé, d’une suspension confortable utilisant des amortisseurs « Magne Ride » et d’une transmission intégrale garantissant une grande facilité de pilotage, la R8 se montre beaucoup plus docile à vivre que son allure intimidante ne le laissait imaginer. Star du cinéma dans le film Iron Man, elle amène Audi sur un terrain totalement inconnu mais paraît crédible face à une Porsche 911 ou une Aston Martin V8 Vantage. A partir de 2009, elle reprend aussi le tout nouveau V10 atmosphérique de 5,2 litres (inauguré l’année précédente par la Lamborghini Gallardo LP560-4), dans une version « dégonflée » à 525 chevaux au lieu de 560 dans sa cousine italienne.
En 2010, elle gagne une inédite déclinaison Spyder cabriolet dont la beauté éblouit une nouvelle fois le petit monde des autos d’exception. A cette époque, sa transmission automatisée manque cruellement d’efficacité. Mais la R8 existe aussi, comme la Gallardo, avec une boîte manuelle dont le petit levier fait « cling » contre la grille à chaque changement de vitesse. Je n’oublierai jamais la joie intense ressentie au volant d’un Spyder V10 équipé de cette boîte manuelle, entre la sonorité d’un des plus beaux moteurs du monde et le plaisir tout bête de jouer avec une commande de transmission aussi cool. Vendue à 28 600 exemplaires en un peu moins de dix ans contre 14 022 exemplaires pour la Gallardo plus élitiste ou 5 000 pour la Mercedes SLS AMG, elle a connu un joli succès commercial certes sans commune mesure avec les 212 964 unités de la Porsche 911 type 997 écoulées entre 2004 et 2012 !
Ce joli succès d’estime, ainsi que le bénéfice pour l’image de marque d’un modèle aussi emblématique et la volonté de profiter d’économies d’échelle avec Lamborghini, pousseront Audi à lancer une seconde génération de la R8 en 2015. Pour cette seconde mouture, l’approche diffère un peu de la première : non seulement la nouvelle R8 abandonne le « petit » V8 de son prédécesseur, ne gardant que la version améliorée du V10 atmosphérique, mais elle ose pour la première fois se montrer aussi puissante -dans sa version haut de gamme « V10 Plus »- que sa cousine italienne la toute nouvelle Huracan avec 610 chevaux. Au point même de surclasser cette dernière dans les sensations de pilotage sur circuit avec une agilité supérieure (Lamborghini reverra ensuite légèrement la mise au point de sa Huracan en raison de ce constat), le tout avec un niveau de confort avantageux et une plus grande facilité d’utilisation dans la vie de tous les jours. De quoi en faire la super-sportive idéale ?
Pas si simple : meilleure en tout par rapport à son précédesseur, cette R8 de seconde génération a un peu perdu de la magie stylistique du premier modèle. Son profil nettement moins spectaculaire que celui de l'ancienne mouture va de pair avec une face avant rappelant franchement celle du petit TT. A côté d'une Huracan, elle paraît totalement transparente et tout le monde n'a d'yeux que pour la belle Italienne au style totalement foudroyant. Ajoutez à cela un prix désormais très proche de celui de la Lamborghini dans sa version haut de gamme et vous comprenez pourquoi cette R8 de seconde génération dépasse à peine les 18 000 unités écoulées actuellement alors que la Huracan a déjà franchi le cap des 20 000 exemplaires vendus en 2022. Restée un peu moins longtemps au catalogue, la Mercedes-AMG GT s'est écoulée à 17 000 exemplaires rien qu'aux Etats-Unis.
A l’occasion du restylage de mi-carrière du modèle en 2018, cette R8 de seconde génération a d’ailleurs changé à nouveau son positionnement pour laisser la primeur des performances à Lamborghini : dans sa version « Performance » haut de gamme, la R8 se limite désormais à 620 chevaux contre 640 pour la Huracan Evo. Surtout, l’Allemande n’a pas droit aux améliorations techniques apportées sur cette dernière comme les roues arrière directrices, ni aux variantes les plus radicales (la STO remplaçante de la Huracan Performante et la Tecnica à la définition plus polyvalente). Dommage, d’autant plus que ce restylage a apporté un joli surplus de personnalité et d’agressivité aux traits de la voiture. Mais alors, quel peut-être l’intérêt d’une Audi R8 dans un marché ou le client peut s’offrir une Lamborghini Huracan bien plus impressionnante à regarder, une McLaren 720S/750S aux performances bien plus vertigineuses en ligne droite ou une Porsche 911 Turbo S réputée plus polyvalente encore ?
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