Champion du monde
Pendant que les "Trois mousquetaires" , Beltoise, Jaussaud, Servoz-Gavin, "s'éclatent" en Argentine en raflant tous les podiums de la Temporada de formule 3, Jean-Luc Lagardère tient une conférence de presse historique à Monte-Carlo en janvier 1967. Conviés conjointement par Matra et l'UGD (Union Générale de Distribution des caburants, la future ELF), les journalistes s'attendent logiquement à un accord entre les deux parties. Si l'annonce d'une collaboration technique les rassure sur leur flair, le second volet de l'accord fait l'effet d'une bombe. Le pétrolier et Matra viennent de s'unir pour construire une formule 1 française qui sera propulsée par un moteur V12! La sortie de la Matra F1 est prévue pour 1968 tandis que le moteur effectuera ses premiers essais avant la fin de l'année. Confondus par des délais aussi courts, la plupart des observateurs se montre ironique, évoque la prétention d'un enfant trop gâté, de coup publicitaire. Pour faire taire tous ses détracteurs, Lagardère et ses ingénieurs vont mettre un point d'honneur à respecter les délais. Pendant que Vélizy bouillonne d'esprit créatif, la saison 1967 qui vient de démarrer, va affirmer la supériorité écrasante des monoplaces Matra.
Une nouvelle razzia en formule 3: 34 victoires dont un second succès à Monaco après la victoire de Beltoise en 66, un nouveau doublé au championnat (Pescarolo devant Jaussaud), le troisième titre consécutif. Après quelques maladies de jeunesse, les F2 désormais animées par des 1600 cm3, les Matra dominent leur sujet avec la même insolence qu'en F3, les doublés succèdent aux triplés victorieux et à Enna Stewart, Beltoise, Ickx, Schlesser et Servoz Gavin prennent même les cinq premières places dans cet ordre!
A la fin de la saison, Jacky Ickx remporte le championnat d'Europe F2. Une couronne que ne va plus laisser échapper les deux saisons suivantes. Fortes de leur suprématie, les Matra F2 n'hésitent pas à venir taquiner les F1 dans certaines épreuves. Ainsi, Jacky Ickx après s'être offert le troisième meilleur temps aux essais, occupe longtemps la seconde place du GP d'Allemagne devant une quinzaine de F1, Stewart rafle la 2e place de la Gold Cup avec la nouvelle MS 7 et Beltoise termine chaque fois 7e des GP des Etats Unis et du Mexique avec une F2 lestée de 50 kg pour obéir aux règles de la F1. Conscient du potentiel du châssis Matra, Tyrrell réussit à convaincre Lagardère de produire une version à moteur Ford de sa Matra F1 pour Stewart. Grâce au soutien de Dunlop et de Ford, le britannique se charge de l'aspect financier de l'opération.
Faute de temps, c'est une version hybride, un châssis F2 sur lequel on greffé un V8 Cosworth, qui est expédié en Afrique du sud pour le premier GP de la saison 68. Contrainte à l'abandon la laide MS 9, a cependant dévoilé un potentiel prometteur en permettant à Stewart d'occuper un temps la tête de la course. La véritable F1, MS 10 débute en championnat à l'occasion du GP d'Espagne. A son volant, Beltoise qui remplace Stewart blessé en F2, mène la course avant d'être retardé par une fuite d'huile, prouve que la monoplace est bien née. Pilotée par Servoz Gavin, elle effectue une nouvelle démonstration à Monaco avant de casser sa transmission alors que Beltoise fait débuter la lourde Matra V12. Le succès ne devrait plus tarder. Au GP de Hollande, Stewart donne à Matra sa première victoire en formule 1 tandis que Beltoise complète le triomphe en se classant second avec la MS 11-V12. Ce sera d'ailleurs la meilleure prestation de cette voiture handicapée par le manque de souplesse et la gourmandise de son moteur V12. La première saison de Matra en F1 qui se révèle très satisfaisante avec la seconde place de Stewart au championnat du monde incite Lagardère a misé sur la conquête du titre, dès la saison suivante. Il remise provisoirement le V12, lance la fabrication d'une nouvelle F1, la MS 80 et confie "la croisade" à l'équipe Tyrrell où Beltoise rejoint Stewart. Extrêmement sophistiquée, la MS 80 qui est sans doute la première F1 conçue de manière scientifique, va dominer la saison 1969. Stewart, impérial, s'impose à six reprises et enlève sa première couronne mondiale. Matra, grâce à la régularité de Beltoise à finir dans les points, s'octroie également la coupe des constructeurs de F1. En France, la "fièvre bleue" atteint des sommets, les photos des "stars" s'arrachent dans les stations Elf, mais ils restent cependant quelques puristes pour contester un triomphe obtenu avec un moteur britannique. "Et alors", rétorquera Sylvain Floirat avec son accent rocailleux du Périgord, "cette Caravelle qui est la gloire de nos ailes, où donc est-elle allée chercher ses réacteurs !".
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