Un dernier pari manqué
Ces éternels insatisfaits, remis à leur place par la phrase superbe de Floirat, peuvent tout de même se réjouir. L'heure du V12 à sonner. A la fin de l'année 69, Matra qui a signé un accord commercial avec Simca-Chrysler, est "condamnée" à utiliser son propre moteur pour la saison suivante. Une Matra-Simca propulsée par un moteur Ford-Cosworth apparaîtrait, en effet, comme une plaisanterie du plus mauvais goût de l'autre côté de l'Atlantique! Si l'emploi d'un nouveau V12, plus puissant et un peu moins gourmand n'inquiète pas trop les responsables Matra, ils doivent, en revanche, réaliser de tout nouveaux châssis. La réglementation qui impose désormais des réservoirs souples pour limiter les risques d'incendie remet en cause toute la philosophie maison des coques "structurelles", inaugurée avec succès par la première F3. En perdant sa conception originale, la coque Matra perd la rigidité qui avait fait sa force et elle n'affichera plus jamais la même suprématie. La MS 120, très chère à fabriquer et très ambitieuse ne sera finalement qu'une F1 lourde, encombrante et capricieuse.
En dépit des progrès constants du V12, la Matra-Simca ne connaîtra jamais la réussite. Pourtant, comme pour ranimer une flamme passionnelle toujours aussi vive, elle frôlera l'exploit à plusieurs reprises : Beltoise à Charade en 1970, victime d'une crevaison alors qu'il mène la course, Chris Amon, l'année suivante à Monza qui perd toutes chances en arrachant maladroitement la visière de son casque et encore Charade et encore Amon qui fréquente trop les bas côtés et finit par crever un pneu sur les gravillons... Une cascade de rendez-vous qui ne se résume pas simplement par une incroyable malchance. Les raisons de ces échecs sont beaucoup plus pragmatiques. D'abord, la fin de la collaboration avec ELF en décembre 70 va considérablement réduire le budget de l'écurie et empêchera la mise en chantier d'un nouveau châssis pour les saisons suivantes. De plus, Shell, le nouveau partenaire pousse Matra vers d'autres objectifs tout comme Simca, peut convaincu de l'impact de la formule 1 comme instrument de promotion. En second lieu, l'ambition affichée de triompher au Mans, de mener des campagnes en championnat du monde des marques avec les prototypes et de relever avec panache le défi d'un Tour de France auto, a fini par essouffler les plus enthousiastes si elle n'a pas émoussé leur passion. A la fin de la saison 72, encouragé par une première victoire au Mans, Jean-Luc Lagardère décide d'abandonner la formule 1, pour concentrer ses efforts sur le championnat du monde des Marques.
L'invincibilité des voitures bleues couronnée par deux nouvelles victoires au Mans et deux titres mondiaux, si elle s'inscrit parmi les plus beaux souvenirs, fera cependant regretter encore plus amèrement l'absence de Matra au sommet.
Forum :
Lire aussi :
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération