Les points communs ne manquent pas entre le tunnel du Mont-Blanc et celui du Saint-Gothard. D’ailleurs, les deux étaient souvent cités en références… opposées ! Le tunnel du Mont-Blanc était hélas réputé pour son système d’éclairage et de ventilation obsolète, dont les faiblesses ont assurément joué un rôle non négligeable dans le dramatique bilan de cette catastrophe survenue le 24 mars 1999.
Il y a eu ce jour là trente-neuf morts. Après la catastrophe, plusieurs questions se sont imposées. Quid du transport des marchandises dans les Alpes ? Quid de la responsabilité de la société du tunnel du Mont-Blanc et de l’indemnisation des victimes ?
L’ architecture du tunnel, mono-tube bi-directionnel, le prédisposait à une telle catastrophe. Pourtant, depuis l’inauguration survenue le 16 juillet 1965, aucun accident majeur ne s’était produit.
Outre le fait que ce tunnel fasse circuler des flux en sens contraires (comme le tunnel du Fréjus d’ailleurs), l’ouvrage du Mont-Blanc ne disposait pas de galerie d’évacuation. Il est certain que cette galerie a sauvé des vies dans le cas de l’accident survenu au Saint-Gothard. Lors du drame de mars 1999, de nombreuses victimes ont en effet été retrouvées asphyxiées dans les refuges de secours du tunnel du Mont-Blanc. C’est d’ailleurs un des points sur lesquels la société d’exploitation du tunnel devra s’expliquer lors du procès.
La compagnie devra également répondre du manque de préparation et de coordination des équipes françaises et italiennes chargées de superviser la sécurité de l’ouvrage.
En ce qui concerne l’indemnisation, l’ATMB et les sociétés d’assurances ont déjà effectué des règlements. Mais Maître Alain Jakubowicz, Avocat représentant les victimes, entend bien obtenir des indemnités complémentaires lors du procès. Celui-ci pourrait avoir lieu en 2003 voire en 2004. Un délai d’instruction fort long mais "normal vu la complexité de l’affaire" selon l’avocat lyonnais.
Les camions, victimes et coupables
En France comme dernièrement en Suisse, ce sont des camions qui ont été à l’origine de l’accident. Faut-il pour autant traiter les conducteurs routiers d’irresponsables ? Non. Rappelons que dans le terrible bilan du tunnel du Mont-Blanc, il y eut quinze routiers pris au piège ! De plus, pour les transporteurs, les détours par les rives de la Méditerranée sont impossibles dans la plupart des cas (cf la Suisse). Et, précision utile, les sociétés d’exploitation aiment bien les camions… surtout lorsqu’ils passent à la caisse : le passage au Mont-Blanc était fixé à 1 570 F en 1999 ! L’ATMB qui exploite le tunnel du Mont-Blanc côté français, est détenue à 85 0x80488c0ar des capitaux publics. Bref, l’Etat français en a bien profité depuis 1965.
Les mesures prises en urgence à l’époque
Suite à l’accident du Mont-Blanc, le tunnel du Fréjus, dernier axe reliant dans les Alpes l’Italie à la France fut l’objet de beaucoup de sollicitude. Les décisions, prises à l’époque sans concertation de la part du Ministère des Transports, sont toujours en vigueur aujourd’hui :
- vitesse réduite de 80 à 70 km/h ;
- nombre de poids lourds (ensembles articulés) limité à 140 véhicules/heure ;
- 100 mètres de distance entre tous les véhicules (auparavant 30 mètres entre voitures et 50 mètres entre camions) ;
- transports de matières dangereuses convoyés sous escorte.
La société concessionnaire du tunnel du Fréjus vient de se donner les moyens de faire respecter ces mesures, notamment en investissant dans un radar laser chargé d’évaluer les distances de sécurité. Parallèlement, le Parlement vient de voter une loi renforçant la répression dans le cas de non-respect des distances de sécurité. Dorénavant, les amendes pourront aller jusqu’à 50 000 F. Vu le prix de ce radar (on parle de plus de 300 000 F), il fallait bien cela pour le rentabiliser.
Ouvrira ? Ouvrira pas ?
Les associations "anti-camions" refusent catégoriquement toute idée de réouverture du Mont-Blanc aux véhicules lourds et prônent le ferroutage. Mais le projet franco-italien de liaison Lyon-Turin ne verra pas le jour avant 2015 ! Même les Suisses, qui ont déjà commencé les travaux, ne sont pas aujourd’hui en mesure de transférer sur des navettes ferroviaires le trafic fret assuré par les camions. Dans le meilleur des cas, la Confédération pourra ouvrir ses lignes de navettes ferroviaires en 2007 pour le Lötschberg et 2012 pour le Gothard ! Le ferroutage est donc une idée pertinente (cf Eurotunnel qui a prouvé son efficacité) mais extrêmement coûteuse et longue à mettre en œuvre. Crier "haro sur les camions" et réclamer du ferroutage n’est donc aujourd’hui qu’un vœu pieux… ou de la démagogie, car aujourd’hui les solutions alternatives immédiates restent à trouver.
C’est d’ailleurs ce qui embarrasse Jean-Claude Gayssot : ouvrir le tunnel du Mont-Blanc est la seule solution en terme de trafic transalpin, mais totalement impopulaire à l’heure actuelle. Le problème se corse quand on évoque l’aspect économique de cette fermeture. La vallée d’Aoste et la Lombardie souffrent en Italie de la fermeture survenue en mars 1999. Le gouvernement italien s’impatiente.
En France, le 26 octobre dernier, le Ministère des Transports publiait un communiqué commun avec son homologue italien concernant la réouverture du tunnel du Mont-Blanc. Communiqué qui apporte une "réponse de Normand". En effet, les médias ont retenu la date du 15 décembre en oubliant un "détail". Cette date est conditionnée à la validation des essais de sécurité par le Comité de Sécurité de la Commission Intergouvernementale. Cette réouverture ne concernera que les véhicules légers, dans les deux sens. Le nouveau Ministre de l’Environnement, Yves Cochet, lui s’affirme résolument contre toute ouverture aux camions, quels que soient les aménagements apportés au tunnel du Mont-Blanc.
Selon le même communiqué, les deux ministres se sont mis d’accord pour une réouverture aux poids-lourds moyennant divers "aménagements" :
- une hausse des tarifs de 11 à 18 % à l’ouverture, hausse qui sera échelonnée jusqu’à 2005 pour culminer à 28 % .
- la création d’un "alternat". Soit, en clair "la circulation à sens alterné à sens unique dans les deux ouvrages (Mont-Blanc et Fréjus) sera appliquée jusqu’à la réalisation des aménagements permettant d’assurer la séparation physique des circulations pour chaque sens tout en garantissant la limitation des capacités globales. Les deux ministres proposeront au sommet franco-italien du 27 novembre prochain un programme à cet effet."
La Société des Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc, interrogée avoue sa perplexité. "Les D.D.E concernées sont inquiètes à l’idée de voir un alternat se mettre en place car on risque de voir des effets pervers comme, par exemple, des automobilistes qui vont forcer l’allure pour être dans le bon créneau horaire…" Quid également des capacités de "stockage" des véhicules en attente de leur passage ? Comment diffuser les informations sur les sens de passage ? Cela ne va-t-il pas saturer les axes et péages desservant le tunnel ? Autant de questions savamment évitées dans le communiqué du Ministère.
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